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L'entraînement militaire près de Carcassonne

Durant 4 mois, Maurice Digo fait ses classes au dépôt de son régiment. Caserné à Toul (Meurthe-et-Moselle), le 146e régiment d'infanterie a replié son dépôt dans la région de Carcassonne. Maurice Digo y apprend les rudiments de la vie militaire et la rudesse du commandement. Marches, corvées, exercices de tir se succèdent durant un hiver particulièrement rigoureux.


Novembre 1914

Dimanche 1er novembre

« Présentation au bureau du commandant.
Inscription et réinscriptions.
Dans un cellier obscur et sale où trône le magasinier, on me remet un jeu de vieux effets hors mesure et déchirés. Des taches de sang maculent les doublures. De nombreux boutons sont absents
».

Dimanche 15 novembre

« Deux semaines déjà !
École du soldat, corvées, marches et manœuvres, nous transforment suivant les heures en pantins, en gosses que le pion surveille ou en portefaix
».

Lundi 16 novembre

« Touché un fusil et baïonnette ».


Décembre 1914

Mardi 1er décembre

« Mauvaise nuit. Fièvre, bronchite, cafard et puces ».

Mercredi 23 décembre

« Toute la journée livrés à quelques brutes : lieutenant, adjudant, sergents nous avons pivoté sans trêve ni répit, franchi des ravins et franchi des crêtes, fouaillés par les injures, abrutis par les cris, menacés de toutes les peines ».

Noël

« Après un bout de grand'messe, rassemblement à 10 heures en tenue de campagne complète pour …. l'épluchage des pommes de terre !!
L'après-midi à la Cité de Carcassonne. Coucher de soleil magnifique sur l'Aude
».

Mercredi 30 décembre

« Tir sur le plateau d'Aragon. Soupe par escouades sur le terrain. Discussion, injures, puis bataille entre Laloue et Israël chargés de la cuistance. Résultat : soupe restée en rade, feu éteint, jus répandu dans les chardons. Devant les camarades qui se restaurent d'un bon repas chaud, nous devons nous contenter de pain sec.
Au retour, Delphine et le Père qui sont venus me faire visite, m'attendent sur la place
».


Janvier 1915

Mardi 5 janvier

« Obtenu avec peine une permission pour l'après-midi.
Après le déjeuner chez les Fau, pris la voiture au passage.
Tout l'après-midi, nous errons dans la ville, sans but. Comme la pluie redouble nous nous réfugions dans la vieille église Saint-Vincent, obscure et froide. Puis arrive l'heure du train et la séparation brutale, silencieuse, le cafard, l'hébétude de se retrouver seul, dans la ville noyée d'ombre et de pluie
».

Jeudi 14 janvier

« Le départ de nombreux renforts crée dans la compagnie un certain désordre, fort agréable. Les rugissements des gradés, s'atténuent sous la menace du départ, car à quoi bon s'en faire quand on a pu voir son nom sur la liste des condamnés…
Au rapport, rassemblement de la compagnie et appel en vue d'un départ. Avec Dayras et quelques autres, décidé de ne point demander la visite et de partir sans réticence, mais la liste des condamnés ne comprend que des évacués et ce qui reste de la classe 14
».

Jeudi 21 janvier

« Mauvaise nuit sur paillasse mal faite. Appel en vue d'un départ. Corvée d'effets pour les partants, puis école du soldat sur la route de Toulouse, glaciale. Soir grand chambard dans la carrée. Les condamnés qui ont beaucoup bu balancent les couchettes, quelques-un se lancent des récipients à la tête, d'autres se frappent à coup de balais ou de crosses de fusil. Personne n'intervient ».


Février 1915

Mardi 2 février

« Départ pour l'exercice avant la distribution du jus. Matinée très dure dans le dégel avec le sergent Delorme. Quelques cris ayant été poussés au cours d'une manœuvre, Delorme rassemble pour un discours dans lequel il dit notamment "que nous sommes ici pour nous faire casser la gueule, par conséquent nous devons nous estimer heureux de bagoter dans les cultures à l'arrière" ».

Vendredi 5 février

« École du soldat. École de section. Gymnastique suédoise. Construction de tranchées sur le terrain de manœuvres derrière la gare.
Après la soupe, marche-manoeuvre de nuit
».

Dimanche 14 février

« À 11 heures, pris la garde à l'hôpital des prisonniers allemands. Consignes renforcées à la suite, paraît-il, de vacarme nocturne. Léonce me dit que les allemands avaient pris seulement l'habitude de chanter chaque soir assez tard.
L'extinction des feux doit se faire désormais à 9 heures et les consignes prescrivent de tirer dans les fenêtres si le silence n'est pas absolu. C'est absurde.
Léonce qui cause assez bien l'allemand a pu interroger quelques béquillards qui se promenaient sous le cloître, ceux-ci déclarent qu'ils sont bien trop heureux d'avoir sauvé leur peau pour courir de nouveaux risques
».

Mardi 16 février

« Exercice dans la cour et départ à 9 heures pour le tir. De temps à autre circulent des bruits de départ immédiat. Au retour d'un exercice, les hommes désignés doivent se rendre au magasin d'équipement et quelques heures après, les gradés de service conduisent le lot à la gare. Il résulte de de cette situation une sensation de malaise permanent qui se traduit suivant les circonstances par une discipline féroce et de brusques relâchements ».