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Condition féminine et normes sociales

À l’époque moderne, les femmes doivent se soumettre aux normes de la société patriarcale, qui entend limiter leurs droits et contrôler leur corps, leur liberté de mouvement, leurs choix.

Les Archives de Nantes conservent les registres de déclarations de grossesses tenus par l'administration municipale entre 1725 et 1788. Les femmes non mariées étaient alors invitées à déclarer leur grossesse en mairie. Avec cette démarche, les autorités souhaitent diminuer les infanticides et prévenir les abandons d'enfants. Il est intéressant de noter la situation professionnelle de ces femmes, qui sont souvent des domestiques.

Registre de déclarations de grossesses de la ville de Nantes, 1733-1742 (GG748)

Registre de déclarations de grossesses de la ville de Nantes, 1733-1742 (GG748)

À Nantes, ville portuaire, de nombreuses femmes vivent de la prostitution, dans des maisons closes ou chez elles. Cette profession est très réglementée, dans une volonté de maintien de l’ordre moral et de surveillance sanitaire. Un contrôle systématique est ainsi mis en place par l’administration, au moyen de livrets délivrés par la Municipalité aux matrones et aux « filles publiques ». Les prostituées déclarées sont dites « soumises ». Une ségrégation s’impose aussi dans l’espace public : elles ne peuvent résider que dans certaines rues indiquées par la police, et, au théâtre, des emplacements leur sont réservés. Motivées par une crainte de corruption des mœurs et hygiéniste, les autorités veulent éviter qu’elles n’entrent en contact avec le reste de la population. À la fin du 19e siècle, la prostitution évolue et les filles publiques sont davantage visibles en ville (6Fi5294). La Municipalité cherche alors à limiter leur usage de l’espace public.

Il arrive que les familles elles-mêmes réclament l’enfermement au couvent de leurs filles, sœurs ou épouses. Les liasses II61 et II63 des Archives de Nantes en témoignent. Atteinte à l’honneur familial, contestation de l’autorité du chef de famille, liaison ou projet de mariage qui n’est pas du goût des parents, actions déshonnêtes, vols… Les motifs avancés pour interner les femmes dans une institution religieuse sont variés, mais ils témoignent le plus souvent du désir de celles-ci de s’émanciper de certaines normes sociales.

Ces demandes d’enfermement se font auprès du roi. C’est ainsi sur ordre royal que Anne de Querandreau, demeurant à Nantes, est amenée au couvent des filles pénitentes (II63/4). Orpheline et seule héritière de ses parents, elle est victime des manœuvres de son oncle, le sieur de la Saltière Gicqueau, débiteur dans la succession. Afin de prendre la main sur la gestion de l’héritage et ainsi se libérer du remboursement de ses dettes, il la fait enfermer au couvent en mars 1727. Elle réussira tout de même à s'évader en septembre !

Fille unique et orpheline, Marie de Busson est placée au couvent depuis 1723, à la demande de sa famille. Quelques années plus tard, en 1728, son oncle ayant communiqué plusieurs actes attestant du futur mariage de la demoiselle, « approuvé par la famille », il sera demandé aux religieuses du couvent de la Visitation de la laisser quitter le couvent. Un ordre du roi autorise cette sortie : « Sa Majesté permet à la demoiselle Marie de Busson qui est actuellement, en conséquence de ses ordres, dans le couvent des Religieuses de la Visitation de Sainte-Marie de la Ville de Nantes, d’en sortir présentement pour aller vaquer à des affaires ».

En 1724, le maire Gérard Mellier s’occupe d’une affaire de fugue. Jeanne Élisabeth Sabot, âgée de 19 ans, a fugué de son domicile parisien. Le 27 mai, sa mère, veuve d’un marchand fripier, en appelle aux autorités locales pour « arrêter et mettre en bonne et sûre garde » sa fille. Son signalement est diffusé, ainsi que celui de l’homme de 30 ans qui l’aurait « ravie et induite à sortir ». Le subdélégué de l’intendant de Tours écrit à Mellier pour l’avertir de l’arrivée des fugitifs à Nantes. Une fois retrouvée, la jeune fille est conduite au couvent de Sainte-Élisabeth, dans le quartier du Marchix, où elle est enfermée en attendant son retour chez elle.

Les Archives conservent également le brouillon d’une lettre de la jeune fille, qui réclame qu’on lui envoie différents effets dont elle a besoin : chemises, mouchoirs, miroir, paires de souliers, paire de gants, son couvert (cuiller, fourchette, couteau, écuelle de faïence), thé, sucre, café, tabac et un peu de vin rouge…

La dernière pièce du dossier est une lettre de Gérard Mellier, datée du 9 juillet 1724, demandant aux religieuses de Sainte-Élisabeth de délivrer à M. Jean-Louis Joannau la demoiselle Sabot pour qu’il la reconduise chez elle à Paris. Cette remise de la jeune fille à la famille suppose, bien entendu, le paiement des frais de son séjour au couvent.

Deux siècles plus tard, c’est une image de mère de famille qui se consacre toute entière aux tâches domestiques que véhicule la publicité des années 1950 et 1960. Alors que l’électroménager entre dans les foyers français, la « ménagère » est une cible de choix. La presse locale se fait le relais de ces idées : l’édition du 10-11 février 1968 de Presse-Océan rapporte ainsi le palmarès du concours de la « Fée du Logis ».