Les fêtes aérostatiques de l'Exposition de 1904
En 1904, la ville de Nantes est la scène où sont présentées les nouvelles technologies et les inventions industrielles. Durant tout l’été, elle accueille une grande exposition qui se déploie dans différents bâtiments. La ville s’empare de cette occasion pour montrer sa valeur, ses capacités d’accueil et exposer ses différentes créations, dans l’espoir d’accroître à la fois sa popularité et son commerce.
Au cours de ces deux mois, Nantes propose un grand nombre d’ascensions afin de satisfaire le public en quête de divertissements sensationnels. Ceci prouve que l’aérostation reste un objet de curiosité en ce début du 20e siècle, que la Ville utilise pour se valoriser. La première fête aérostatique a lieu à une date désormais habituelle : le 14 juillet, pour la fête nationale. L’ascension est menée par le très célèbre et expérimenté M. Nicolleau, pilote de l’Aéro-club de France, avec le ballon nommé La Bretagne, de 1800 m³.
Émile Blandel, journaliste au quotidien Le Populaire, relate l’incroyable expérience qu’il vécu au sein ce jour-là. D’autant plus inattendue qu’il n’était à l’origine pas prévu qu’il participe au voyage du ballon La Bretagne. Alors que M. Nicolleau et son compagnon de voyage M. Leblanc, ingénieur, s’affairent à donner les dernières instructions pour l’appareillage du ballon, le célèbre aérostier demande soudainement au journaliste son poids. Émile Blandel ne pesant que 83 kilos, il est accepté à bord de la nacelle !
Le départ a lieu à 15 h 55 au Champ de Mars, dans l’enceinte réservée à l’Exposition. Plusieurs photographies immortalise les trois aéronautes dans la nacelle. La force ascensionnelle étant favorable, La Bretagne décolle avec facilité et prend lentement de l’altitude. Ses voyageurs ont ainsi tout le loisir d’observer le panorama magnifique qui va rétrécissant au fur et à mesure que le ballon grappille des mètres de hauteur. Le journaliste déclare alors que le moment du décollage dégage un sentiment à la fois merveilleux et surprenant, procurant un bien-être indescriptible que seule vaut la vue dont il a pu jouir durant tout son voyage.
Le voyage aérien se passe sans encombres, grâce à un faible vent qui les poussa vers l’ouest, leur permettant de bénéficier alors sur une longue durée, d’une vue imprenable sur la Loire et de distinguer à travers son eau verte transparente, le lit même du fleuve. Le journaliste est subjugué par le spectacle enchanteur auquel il a le privilège d’assister. Du haut de sa nacelle, tous les éléments qui lui sont d’habitude si familiers, apparaissent de manière tout à fait nouvelle voire même déformée, s’apparentant à des objets minuscules tels des éléments de jeux de société, lui faisant alors prendre conscience de la hauteur à laquelle il se trouve. Ainsi, il compare les multiples chalands et les bateaux accouplés deux par deux qu’il voit naviguer sur la Loire juste en dessous de lui, à des paires de petits sabots. Il déclare alors: « Voici Nantes avec toutes ses maisons qui ressemblent d’ici à de petites constructions d’enfant ; les places çà et là mettent de larges tâches jaunes, les monuments ont des aspects inattendus ; c’est ainsi que la prison se présente sous la forme d’un hexagone très régulier avec deux bâtiments en croix au milieu ; le vélodrome à l’air d’une grande cuvette ». Il compare le pays nantais à un grand échiquier, où toutes les terres et les champs lui apparaissaient tels des cases vertes, grises et jaunes bordées de tous côtés par des haies, dont la régularité parfaite l’étonne grandement.
Le voyage aérien se déroule ainsi sans la moindre péripétie. Arrivés à une hauteur de 1800 mètres, les trois aéronautes sabrent même le champagne pour fêter la totale réussite de leur aventure aérienne. 18 h 30, parce que le journaliste voulait rentrer tôt, M. Nicolleau décida de se poser dans une prairie pour déposer M. Blandel. Aidé par des paysans du coin, la manœuvre se fit doucement. Une petite foule se presse rapidement autour de l’aérostat. Leur enthousiasme est si fort, que le journaliste affirme que « de tous côtés des curieux arrivaient, escaladant les haies, sautant les fossés ». Le ballon avait en fait atterri à la jointure de deux communes, Grandchamp-des-Fontaines et Notre-Dame-des-Landes, où les habitants n’avaient encore eu jamais l’opportunité de voir et d’approcher de si près un ballon et encore moins d’assister à une ascension. Cet événement totalement inédit et curieux pour eux, expliqua alors cette euphorie générale.
M. Nicolleau et M. Leblanc reprirent leur ascension, grâce à l’ajout d’un sac de lest de 83 kilos dans la nacelle pour remplacer la présence du journaliste. Les courants aériens leur firent finalement reprendre le chemin de Nantes.
Les festivités aérostatiques ne s’arrêtent pas là pour l’Exposition de Nantes en 1904. En effet, un autre aéronaute, moins expérimenté et connu sur le plan national que M. Nicolleau, mais tout aussi passionné et talentueux, prend la relève. Il s’agit du pharmacien Edmond David, considéré comme une célébrité locale. Nantes s’enorgueillit en effet de compter un véritable aéronaute parmi ses citoyens, dont la célébrité pouvait rejaillir sur la ville – sachant que la très grande majorité des aéronautes venaient alors de Paris. Son ascension a lieu le dimanche 24 juillet, au cours d’une grande fête fleurie. Vers 16 h, quelques minutes après le lâcher de pigeons, le ballon nommé Exposition, de 800 m³, est lancé. A bord, M. David est accompagné de deux passagers novices, MM. Brunet et Guéry de Nantes. Le voyage se déroule sans incident aucun et traverse à plusieurs reprises la Loire à une hauteur constante de 800 m, permettant ainsi à ses trois passagers de se délecter du panorama. Le voyage dure 4 heures, en direction de Couëron et du Pellerin, jusqu’à atterrir calmement à La Pâquelais.
Une seconde ascension menée par Edmond David est organisée pour la fête fleurie du dimanche 1er août. En parfaite osmose avec le thème de la fête, l’aéronaute décore son ballon de bouquets de fleurs et de remplir sa nacelle de fleurs fraîchement coupées. Cette fois, ce sont trois femmes qui l’accompagnent dans la nacelle : Mme Gendron, Mme Olive et Mme Lachissinne. Leur envol se fait sous les applaudissements nourris de la foule, laquelle est recouverte par une pluie de fleurs lancée par M. David du haut de sa nacelle. L’expédition, bénéficiant de conditions favorables, les fait survoler Cholet à plus de 2000 m d’altitude.
Edmond David réitère ses performances aéronautiques lors de la fête suivante se déroulant le 15 août. L’Exposition est d’ailleurs à cette occasion un véritable triomphe, selon Le Populaire. Pas moins de 30 000 personnes venant de toutes les communes et départements y viennent. Cette foule considérable démontre à quel point l’aérostation constitue à l’époque un évènement phare.
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