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Recto-Verso - Jean-Julien Lemordant à Nantes

Formé à l’École des beaux-arts de Rennes, Jean-Julien Lemordant (1882, Saint-Malo – 1968, Paris) réalise ses premières œuvres dans le pays bigouden. Ses tableaux, représentant des scènes du quotidien riches en couleurs et en mouvements, lui valent le surnom de « fauve breton ». La Première Guerre mondiale interrompt sa carrière : engagé volontaire à l’âge de 37 ans, il rejoint l’armée active en qualité de sous-lieutenant. Blessé, presque aveugle et alors qu’il est laissé pour mort sur le champ de bataille, les Allemands le capturent. À la suite de sa libération, il est décoré au cours d’une cérémonie aux Invalides le 23 novembre 1916, qui célèbre sa bravoure et son sacrifice. 

Les honneurs envers le soldat profitent à l’artiste, érigé en héros national. Une exposition de ses œuvres est organisée à Paris en mai 1917. Une délégation nantaise y repère Le Sauvetage proposé à 4 000 francs et Les porteurs de filets à 10 000 francs. Dans sa séance du 10 août 1917, le conseil municipal, motivé par un devoir patriotique, approuve l’acquisition de deux œuvres du peintre « afin d’enrichir le musée d’œuvres représentatives du talent de l’auteur (…) et rendre à l’héroïque soldat breton le public et reconnaissant hommage de l’ancienne cité des ducs de Bretagne ». Deux esquisses à l’aquarelle ont été choisies par la commission de surveillance du musée le 30 juillet 1917 : Le Naufrage et Le Sauvetage, pour un montant total de 7 000 francs. 

Dans la lettre rédigée par Jean-Julien Lemordant le 5 août 1917 (reproduite ci-dessus), l’artiste présente les difficultés qu’il rencontre à livrer à la Ville de Nantes ces deux œuvres, en raison du manque de fournitures pour les encadrer. Cependant, ce n’est pas là la seule raison de son courrier : Jean-Julien Lemordant n’est en effet pas satisfait du choix de la Ville. Il préfère lui proposer d’acquérir, à la place de ces deux esquisses, un autre tableau : Les Pêcheurs, une huile sur toile de réalisation plus forte et plus complète – dont la présentation sera plus digne du musée selon lui. Ce tableau de grandes dimensions (230 x 310 cm) avait été présenté au Salon de 1910, mais il n’était pas à Paris lors de l’exposition de mai 1917... Les édiles nantais ne l’ont donc pas vu… 

Les documents conservés dans la liasse cotée 2R771 rapportent le contexte de cet achat. Plusieurs courriers échangés entre le maire, Lemordant et le directeur du musée des Beaux-Arts Fernand Pineau-Chaillou illustrent la difficulté de fixer un rendez-vous dans l’atelier du peintre à Paris afin de voir la toile proposée – les fréquentes absences du peintre envoyé en repos à la campagne par ses médecins ne facilitant pas l’organisation… Une note manuscrite du 14 septembre 1918 informe le maire que le tableau Les Pêcheurs a bien été réceptionné à la gare de Nantes et est en très bon état. Le montant du tableau, 7 000 francs, est payé par la Ville à Lemordant le 18 février 1919.

L'œuvre est toujours dans les collections du musée d’arts de Nantes, mis en dépôt à la mairie-annexe du quartier de Chantenay où il orne l’escalier d’honneur. Le musée d’arts de Nantes possède d’autres œuvres de Jean-Julien Lemordant, entrées dans les collections grâce à plusieurs dons. 

"Les Pêcheurs", huile sur toile de Jean-Julien Lemordant réalisée vers 1910-1911, en dépôt à la mairie annexe de Chantenay © Musée d'arts de Nantes - Photographie Cécile Clos

Pour consulter l'article Recto-Verso des Archives de Rennes sur Jean-Julien Lemordant, c'est ici !