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Recto-Verso - Un projet d'architecture non réalisé : l'hôtel de ville au château des ducs de Bretagne

Février 2025

Le dessin publié en 1902 par l’architecte Henri Deverin dans la brochure intitulée L’hôtel de ville au château de Nantes (BGbr1197) nous plonge au cœur du contexte nantais à la jonction des 19e et 20e siècles.

Henri Deverin est alors architecte en chef des monuments historiques en charge des départements de Loire-Inférieure, Vendée, Vienne et Deux-Sèvres. Dans cet ouvrage, il présente le projet qu’il a conçu pour installer l’hôtel de ville de Nantes au château des ducs de Bretagne.

Bien qu’à cette date, l’architecte espère encore que sa proposition puisse un jour être réalisée, son but est davantage de faire le bilan du projet, après l'arrêt des négociations entre la municipalité et l’armée. En effet, lorsqu’il imagine l’installation de l’hôtel de ville au sein du château, Henri Deverin répond à plusieurs préoccupations nantaises de la fin du 19e siècle : il s'agit, d'une part, de trouver une fonction au château et, d'autre part, de loger l’hôtel de ville dans un véritable projet d’architecture, un "palais municipal".

Nantes est alors une ville de casernes et de garnisons. Depuis plus d’un siècle, les bâtiments du château, dont l'État est propriétaire, sont occupés par l’administration militaire. À plusieurs reprises, la Ville a déjà tenté d'acquérir cet ensemble classé monument historique en 1862. En 1898, c’est le ministère de la Guerre qui réouvre les négociations. Il est temps en effet pour les services des armées de disposer d’installations « plus commodes et conformes aux besoins modernes ».

C’est dans ce contexte que Deverin prépare son projet d’hôtel de ville. Il se nourrit des échanges avec le maire Hippolyte-Etienne Etiennez, des renseignements et données techniques qu’il collecte auprès de Leray, inspecteur des travaux des Monuments Historiques, et de Marchand, architecte de la Ville. Cependant, les exigences de l’Armée, qui demande à la Ville terrains et bâtiments en compensation de ceux du château, aboutissent à l’échec des pourparlers et à l’abandon du projet du nouvel hôtel de ville.

Dessin de la façade du futur hôtel de ville imaginé par Henri Deverin (BGbr1197)

Dessin de la façade du futur hôtel de ville imaginé par Henri Deverin (BGbr1197)

Ce dessin est donc un projet rêvé où l’architecte imagine un nouvel ensemble monumental, avec une grande place créée au-devant d’une nouvelle aile à l'aspect magistral – construite dans l’espace laissé vide par l’explosion de la tour des Espagnols en 1800.

Le regard d’un architecte de la fin du 19e siècle est intéressant à analyser. Dans L’hôtel de ville au château de Nantes, Henri Deverin débute son argumentaire en se désolant des démolitions des édifices antérieurs aux 17e et 18e siècles, causées par différents aménagements urbains à Nantes. Pourtant, il ne donne aucune valeur aux « constructions fâcheuses » ou encore à « l’énorme bâtisse [bâtiment du harnachement] qui déshonore la cour intérieure » du château. Il envisage tout naturellement de supprimer ces bâtiments élevés pour les besoins de l’administration militaire.

Sur les plans de son projet, Henri Deverin détaille où seraient installés les différents services de la municipalité. Cette distribution des espaces nous éclaire sur le fonctionnement et les services proposés par la Ville au tout début du 20e siècle. Ainsi, « les services qui n'ont pas besoin de large entrée pour le public » sont destinés à être répartis dans les bâtiments historiques : parmi ces espaces des salles de réunion, les archives et la bibliothèque ! La nouvelle aile, construite dans un style néo-gothique et flanquée d’un campanile-tour de l’horloge, devait accueillir au premier étage la salle du conseil, la salle des mariages, le cabinet du maire et des adjoints.

La consultation des documents conservés aux Archives de Nantes dans le fonds 1M42 (dossier sur la cession du château à la Ville de de Nantes) permet de compléter cet épisode.

Dans un courrier adressé au maire Paul-Émile Sarradin le 15 octobre 1904, Henri Deverin annonce envoyer à la Ville un dessin de son projet, pour lequel il a reçu le prix "Duc de l’Institut" suite à sa présentation au Salon des Artistes français. Aujourd’hui, les 9 dessins de ce projet sont conservés au musée d’arts de Nantes (sous les numéros d'inventaire 1470 à 1478).

La suite, nous la connaissons. Le château est acheté par la Ville en 1915 : le procès-verbal du 29 septembre, signé du maire Paul Bellamy, est également conservé dans nos fonds (1M42). L’hôtel de ville ne déménagera finalement pas, il s’étend au sein de son îlot grâce à l’acquisition des hôtels de Monti et de Rosmadec dans les années 1920. Les bâtiments du château accueillent eux le musée des arts décoratifs, qui ouvre ses portes au public en 1924.

Pour consulter l'article Recto-Verso des Archives de Rennes sur un projet d'architecture inachevé, c'est ici !