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Juillet 1944

3 juillet 1944

Convocation de Monsieur le Maire chez le Feldkommandant à 10h30. En l’absence de Monsieur le Maire, j’accompagne Monsieur Pastol, sur sa demande.
Questions posées par Monsieur le Feldkommandant :
1. Quid de l’opinion à Nantes ?
Monsieur Pastol répond que la population est inquiète sans trop savoir pourquoi. Les bombardements semblent cependant sa principale préoccupation. En ce qui concerne l’exécution des « maquisards », Monsieur Pastol déclare qu’une partie de la population plaint les fusillés, alors qu’elle ne marque qu’une commisération relative pour les victimes des bombardements. Les habitants de Chantenay, par exemple, ne paraissent point s’impressionner des bombardements de Doulon.
2. Quid du ravitaillement ?
Monsieur Pastol déclare que, pour l’immédiat, la situation est bonne. La crise des transports facilite certains approvisionnements : Monsieur Pastol cite le cas de telle laiterie de la route de Vannes qui distribue plusieurs plaquettes de beurre à toute personne qui se présente pour un prix inférieur à la tasse.
3. Le Feldkommandant signale la présence à Nantes de nombreux Africains. Il désire avoir des renseignements à ce sujet.
4. Où en est le chiffre de la population ?
Monsieur Pastol croit que, de jour, il peut y avoir 75 000 habitants, mais qu’une partie quitte Nantes le soir. Il ne doit guère couché à Nantes, dit-il, plus de 45 à 50 000 personnes.
5. Le service des eaux sera-t-il reconstruit ?
Non. Monsieur Pastol indique que les camions citernes rendent encore quelques services, bien que le pompage en Loire avec les refouleurs alimentent la plupart des quartiers. Les parties hautes de la ville seules restent sans eau, mais une pompe relais va bientôt fonctionner pour refouler l’eau jusqu’au réservoir de la Contrie. Monsieur Pastol indique enfin qu’on vient de transporter de Givois à Nantes deux moteurs électriques dont l’un servira à doubler la station de pompage actuelle.
6. Quels desiderata pourrait avoir à exprimer la Municipalité ?
Ici le docteur Piotschek, conseil d’administration (service économique), rappelle que Monsieur le Maire lui a demandé si l’on pourrait ajouter un wagon à un train allemand pour transporter des vins aux travailleurs français en Allemagne. L’affaire suit son cours.
Monsieur Pastol signale qu’une unité allemande a fait murer en son milieu un abri souterrain creusé dans une carrière, quartier Zola ; cet abri, qui avait deux issues, se trouve ainsi divisé en deux abris à une issue, dont l’un est réservé aux Allemands. Cela a ému la population du quartier. Le Feldkommandant déclare qu’il va examiner cette question.
Au cours de l’entretien, le Feldkommandant demande si la kermesse de Nort-sur-Erdre s’est bien passée. Monsieur Pastol relate l’incident de la rafle. Quelle est l’autorité allemande qui a ordonné cette rafle ? demande le Feldkommandant. Je réponds : le service du travail. Les officiers échangent des sourires et le Feldkommandant déclare que cela ne l’étonne pas. Monsieur Pastol souligne combien cela a fait mauvais effet ; la Municipalité ayant présidé à l’organisation de la kermesse, a été accusée de complicité par la population. Monsieur Pastol indique que Monsieur Menny est au courant de l’affaire.
Après l’entretien, Messieurs Bessler et Piotschek nous retiennent pour nous demander de poser à Monsieur le Maire trois questions :
1. Peut-on trouver un système indépendant des réseaux électriques pour actionner les sirènes ?
2. Peut-on avancer d’une heure le soir l’heure d’utilisation du gaz (18h30 au lieu de 19h30) ?
3. La Municipalité, en  cas d’option nécessaire, donne-t-elle sa préférence au gaz ou à l’électricité ?
A ce moment arrive Monsieur le Maire qui est introduit chez le Feldkommandant où il est l’objet du même interrogatoire que ci-dessus.
Au cours de cette dernière conversation, le docteur Piotschek a insisté sur le désir formel du Feldkommandant de ne recourir à la réquisition des bicyclettes des particuliers qu’en cas de nécessité urgente. Le bruit a couru que deux cents vélos auraient été réquisitionnés mais c’est inexact. Il s’agit de vélos neufs pris chez les fabricants. Je signale que le Central téléphonique m’a informé dernièrement que des vélos appartenant à ses agents ambulants avaient été réquisitionnés sur la route par des militaires allemands qui avaient remis aux intéressés des bons de réquisition. Le docteur Piotschek répond que cela est contraire aux ordres de la Feldkommandantur. « Cela, dit-il, a pu se produire à la campagne peut-être, mais sûrement pas en ville. »

Consignes formulées lors de la remise en service des conduites d'eau de la ville et de l'utilisation de solutions chlorées pour rendre l'eau potable, le 15 juin 1944 (6Fi3983)

Consignes formulées lors de la remise en service des conduites d'eau de la ville et de l'utilisation de solutions chlorées pour rendre l'eau potable, le 15 juin 1944 (6Fi3983)

8 juillet 1944

Des avions lancent des bombes sur différents points de la ville, notamment semble-t-il, contre des batteries de la DCA (?) (boulevard Saint Aignan, Contrie, Doulon, Boulevard Victor Hugo). Le pont de chemin de fer dit « de Pornic » est atteint. Les dégâts sont considérables surtout boulevard Saint Aignan, rue Marcel Schwob, rue Lemot, rue Jenner.
3 morts.

12 juillet 1944

Monsieur Sandras, Commissaire Central, me téléphone que la Feldkommandantur ordonne l’enlèvement des emblèmes de caractère national qui ont été posés sur les tombes des fusillés du maquis, au cimetière de la Chauvinière (ordre transmis par le cabinet du Préfet). Je prie Monsieur Sandras de confirmer ces instructions par écrit.
Bombardement vers 20h30 : chantier Dubigeon, gare de Pont Rousseau.
Mitraillages et bombes dans la quartier Saint Joseph - Trémissinière.

16 juillet 1944

Bombardement quartier Champ de Mars, Baco, Magellan, Bon-Secours.
50 morts environ dans l’abri du pont de la Belle Croix.

Immeubles détruits par des bombardements quai Baco, cliché pris en juillet 1944 (22Fi259)

Immeubles détruits par des bombardements quai Baco, cliché pris en juillet 1944 (22Fi259)

19 juillet 1944

Bombardement quartier Pirmil (rue Saint-Jacques, boulevard Victor Hugo)

24 juillet 1944

Réception d’un ordre de la Feldkommandantur prescrivant le camouflage du pont de Pirmil. Cette affaire est en réalité du ressort des Ponts et Chaussées.
A mon retour d’un congé de huit jours, j’apprends que Monsieur Menny (Propaganda) a eu connaissance de l’impression du « Livre Doré » et s’est élevé, au cours d’une visite à Monsieur le Maire, contre le fait qu’on ait laissé imprimer les passages concernant l’arrestation de Monsieur Pageot et la déclaration du conseil municipal félicitant Monsieur Rondeau de son attitude lors de l’assassinat du Colonel Hotz. Il a proposé de supprimer ces passages. Monsieur Orrion a préféré la confiscation du tirage. En conséquence, les trois cent cinq exemplaires reçus à la Mairie ont été déposés à la Feldgendarmerie au Château.

25 juillet 1944

Obsèques de plusieurs victimes inconnus du bombardement du pont de la Belle Croix.
A la suite de ces obsèques, le drapeau demeuré en berne depuis le 28 mai au Musée des Beaux-Arts a été enlevé conformément aux instructions écrites reçues la semaine dernière des autorités allemandes.
Ont été arrêtés la semaine dernière : Monsieur et Madame Veil, Monsieur Moinard (secrétaire général Saint-Nazaire), Monsieur Bailly (Chef d’arrondissement SNCF), Monsieur Nicolas (Ingénieur en chef des Ponts et chaussées), Monsieur Abel Durand.
Monsieur le Maire fait savoir que Monsieur Martin (groupe Collaboration) est venu lui demander de la part de la milice que la Municipalité baptise une rue de Nantes du nom de Philippe Henriot. Monsieur Orrion a répondu qu’il réfléchissait. Il en a référé depuis à Monsieur le Préfet.

27 juillet 1944

Visite de Madame Moinard, accompagnée de sa fille et de son fils. Elle se propose de faire faire une enquête sur l’arrestation de son mari, de prendre un avocat. Je le lui déconseille fortement, lui exprimant l’opinion que son mari n’a pu être arrêté par les autorités allemandes que par mesure de sécurité.
Nous descendons chez Monsieur le Maire qui confirme ce point de vue et conseille à Madame Moinard de voir directement la Gestapo.
L’après-midi, Madame Moinard revient pour nous apprendre que le Capitaine Heimann l’a reçue et lui a confirmé qu’il n’y avait aucun grief spécial contre Monsieur Moinard, qu’il s’agissait bien uniquement d’une mesure de sécurité, d’ordre général. Il a ajouté qu’il ne pouvait autoriser Madame Moinard à procurer des vivres à son mari, mais seulement des vêtements. Il a dit enfin que Monsieur Moinard ne resterait pas interné à Nantes.

28 juillet 1944

Vu, en l’absence de Monsieur le Maire, Monsieur Menny (Propanda-Staffel) qui me confirme son désir, exprimé à Monsieur le Maire, de faire ouvrir le cinéma des Variétés où il veut faire passer des films de propagande. Il s’est assuré d’un moteur à gazogène et fera le nécessaire pour l’approvisionnement du cinéma en films. Il croit que cela est conforme à l’intérêt de la population qui manque de distractions.
Je saisis cette occasion pour entretenir Monsieur Menny de la question du « Livre Doré ». Monsieur Menny me confirme que la note indiquant le motif de l’arrestation de Monsieur Pageot d’une part et la délibération louant Monsieur Rondeau de sa conduite vis-à-vis des familles des otages d’autre part ne doivent pas être imprimées, car ce serait entretenir des germes de haine vis-à-vis de l’Allemagne, alors que l’après-guerre devra au contraire être consacré à l’apaisement entre les deux populations. Il est prêt, soit à autoriser l’édition une fois supprimée les deux pages incriminées, soit à restituer le tirage si l’on accepte de supprimer les Municipalités Pageot-Prieur-Rondeau-Orrion, c’est à dire de s’arrêter à la Mairie Cassegrain.

31 juillet 1944

Samedi 29 juillet, Monsieur Ottaviani, Secrétaire Général de la Préfecture, a téléphoné à Monsieur Pastol, premier adjoint remplaçant Monsieur le Maire absent, pour demander que, « étant donné la carence totale des services officiels », la Mairie tâche d’assurer le transport à Nantes de farine se trouvant chez Monsieur Laraison, à Pornic.
Ce matin, deux camions de la ville sont partis à Pornic, tantôt deux camions les « Byrrh » s’y rendront.
Dans l’après-midi, on apprend qu’en raison d’une grève, Monsieur Laraison n’aurait pas de farine.
En réalité, les deux camions de la ville rapportent sept tonnes de farine au lieu des vingt-six prévues pour les quatre camions. Les camions de Byrrh ont été dirigés sur Machecoul, où il existait de la farine, et les vingt-six tonnes peuvent être amenées à Nantes.
Les queues à la porte des boulangeries, qui se produisaient depuis une semaine en raison de la difficulté de la soudure compliquée par la pénurie des transports, continuent.
19h30. Bombardement du pont de la Vendée qui est coupé en plusieurs endroits.