Coup de coeur - Que font des titres d'emprunts russes dans les archives du Centre communal d'action sociale ?
Archiviste au pôle Animation et Collecte, je travaille plutôt sur des archives papier et numériques dont la date de production n’excède généralement pas les années 2000 voire 1990. C’est pourquoi j’ai été surprise de découvrir des documents visiblement plus anciens dans un versement du Centre communal d’action sociale (CCAS), le fonds 1643W. Parmi des dossiers datant de 2017-2018, j’ai retrouvé une grande enveloppe portant une simple annotation : « emprunt russe – ville et CCAS – 23/10/04 ». À l’intérieur, d’intrigants titres d’emprunts et, pour moi, le début d’une petite enquête.
La première page de tous ces documents est assez similaire : un décor encadre un texte, rédigé en cyrillique. Quelques chiffres peuvent être lus : le numéro de l’obligation, le pourcentage du taux d’intérêt, des valeurs exprimées en roubles et en kopecks ou encore l’année de production.
À ces premiers indices s’ajoutent les paragraphes du verso, traduits en plusieurs langues (anglais, allemand, français…) où sont exprimés les termes de l’emprunt ainsi que les conditions de remboursement.
Fin du suspens ! Ce sont bien des titres d’emprunts émis par l’empire de Russie afin de financer de nouvelles industries et autres infrastructures telles que les chemins de fer. De la moitié du 19e siècle à l’aube de la Première Guerre mondiale, la France, désireuse d’une alliance politique, encourage ce placement financier. « Prêter à la Russie, c’est prêter à la France ! », clament les médias français, relais du discours officiel. Au total, l’investissement représente plus de 5 000 emprunts pour environ 15 milliards de titres.
À la suite de la Révolution russe, le gouvernement bolchevique efface les dettes contractées par l’ex-Empire (décrets de 1917 et 1918). Ce n’est qu’à la fin des années 1990, soit 80 ans plus tard, que des accords sont signés entre la France et la Russie, mettant ainsi fin au contentieux (loi du 19 décembre 1997). Le solde de créances est fixé à 400 millions de dollars et le Trésor public a 6 mois pour répartir cette somme globale auprès des bénéficiaires recensés.
Si le CCAS (anciennement Bureau de bienfaisance) est probablement détenteur de ces titres d’emprunts russes à la suite d’un don ou d’un legs, une question demeure : a-t-il été remboursé entre le 6 juillet 1998 et 5 janvier 1999 ? Avis aux enquêteurs dans l’âme, les Archives vous attendent !
Carole, archiviste