
Journal de Fernand Soil
Chroniques de l'été 1944
Durant toute la seconde guerre mondiale, Fernand Soil, dans le cadre de ses fonctions administratives, a consigné sur 475 petites feuilles de carnet ses notes journalières sur la vie et les événements à Nantes.
Ces notes s'étalent du 24 août 1939 au 5 juin 1945
Chroniques de l'été 1944
mai 1944 juin 1944 juillet 1944 août 1944 septembre 1944
Intégralité du journal de F. Soil
1939 1940 1941 1942 1943 1944 1945
16 mai 1944
Faute de courant électrique (attentats sur tout le territoire contre les pylônes), les tramways doivent arrêter leur service.
19 mai 1944
Visite de Monsieur Hurson de la Société d’Electricité.
L’électricité sera rationnée à partir du lundi 22 mai.
Le courant électrique sera coupé aux usagers de 8h à 11h et de 13h à 18h.
En fait cette mesure n’est appliquée que pendant la journée du 23 mai.
25 mai 1944
Un service réduit de tramways fonctionne.
26 mai 1944
De nouveaux sabotages de pylônes pour transport d’énergie hydraulique obligent à rationner de nouveau l’électricité.
28 mai 1944
1h30 matin. Bombardement quartiers Paris, Prairie Mauves et points disséminés (Boccage, Fosse, Launay, etc...). Durée : 40 minutes.
A 7 heures, on annonce 12 morts, 30 blessés.
A 17 heures, 41 morts, 60 blessés.
29 mai 1944
Le service des eaux est arrêté depuis le bombardement. Bassins filtrants détruits, conduits de renforcement crevés.
30 mai 1944
75 morts.
31 mai 1944
Obsèques officielles.
Depuis avant hier, l’électricité est de nouveau distribuée toute la journée, les dégâts de la ligne des Pyrénées ayant été réparés des tramways font service réduit.
3 juin 1944
Tramways de nouveau arrêtés
Monsieur Sablé obtient du Feldkommandant l’autorisation de disposer de deux autocars pour conduire à Nort-sur-Erdre, où aura lieu demain la première des kermesses organisées au profit des sinistrés, les personnes qui doivent monter et tenir les stands (il n’avait pas été possible d’obtenir un train spécial de la SNCF). La Propaganda-Staffel a manifesté son intention de tenir un stand de librairie.
4 juin 1944
Au moment où la kermesse de Nort battait son plein et où un gros succès s’affirmait, une rafle a été opérée par une milice et la Feldgendarmerie. Tous les papiers d’identité des hommes ont été vérifiés. Vingt-trois hommes non en règle ont été emmenés. Le lundi 5 juin, on apprend que sept ont été gardés.
5 juin 1944
Réunion de la Direction à l’Information, où l’on examine les conséquences de l’incident de la kermesse. Les chefs de la Délégation à l’Information sont venus voir tantôt Monsieur le Maire pour savoir s’il était exact que des Français avaient participé à la rafle, ce que Monsieur le Maire a confirmé sans citer de nom.
Les représentants du Ministère de l’Information considèrent que l’incident est grave et qu’il est difficile de le laisser passer sans protester d’une manière quelconque.
C’est aussi le sentiment de la municipalité, qui examine l’éventualité d’une démission collective.
6 juin 1944
Monsieur le Maire décide qu’il va voir le lieutenant Menny (Propaganda) et peut-être le Feldkommandant, et que la Délégation se réunira ensuite pour prendre une décision. On prépare un communiqué à la presse annonçant que les kermesses projetées sont annulées.
A 11h30, Monsieur le Maire, Monsieur Pastol et Monsieur Sablé se rendent chez le lieutenant Menny.
Ce matin, vers 10 heures, le bruit court que la radio de Londres vient d’annoncer que les troupes anglo-américaines ont débarqué sur les côtes nord de la France.
Le lieutenant Menny déclare à Monsieur le Maire que ce sont les Français qui ont pris l’initiative de la rafle de la kermesse. Il doit revoir le projet de communiqué et soumettra un texte à Monsieur le Maire.
La Hafenkommandantur a projeté de faire sauter l’immeuble de la Douane, quai de la Fosse, dont l’écroulement éventuel aurait pour effet d’obstruer l’entrée du tunnel de la SNCF (monument historique classé). Monsieur le Maire est intervenu. Le lieutenant Steinberg, Standortkommandant, répond tantôt qu’il n’a pu obtenir du Hafenkommandant l’annulation de cette décision.
17h50. Nous recevons l’affiche portant appel du Maréchal Pétain au peuple Français à l’occasion du débarquement des troupes anglo-américaines qui a eu lieu ce matin, de 6h à 8h, sur les côtes de Normandie. Cette affiche a, parait-il, été remis à la Préfecture par la Kommandantur.
18h. Réunion spéciale de la Délégation qui décide d’envoyer à Monsieur le Préfet un procès-verbal de ses délibérations concernant cette affaire. (Dans l’après-midi, le lieutenant Menny avait fait savoir qu’en raison des événements, il demandait à Monsieur le Maire un sursis de quelques jours pour examiner le projet de communiqué à la presse préparé par la municipalité.)
7 juin 1944
De 19h05 à 21h25, bombardement des environs de la gare, des ponts sur la Loire.
A 22h30, on annonce 30 morts environ.
8 juin 1944
A 8h30 environ, bombardement d’un quart d’heure (quartier des Ponts).
12 juin 1944
A 3h du matin, bombardement du quartier de Doulon, voies ferrées au sortir de la gare d’Orléans, Pont de la Vendée, Saint Sébastien et Vertou - la Haye Fouassière (voie ferrée).
Réunion à la Préfecture des maires des chefs-lieux des cantons des arrondissements de Nantes et d’Ancenis.
L’administration militaire allemande donne connaissance d’un ordre du Feldkommandant de planter dans les prés et champs d’une superficie d’au moins 100m x 100m des piquets de 4,50m qu’on enfonce dans le sol de 1,50m en les espaçant de 100m et en évitant de les aligner.
Le but est de faire obstacle à l’atterrissage des planeurs anglo-américains.
15 juin 1944
7h45-8h30. Bombardement de divers quartiers. Immeubles détruits place de la Préfecture, rue du Roi Albert, quai Brancas, quai Malakoff.
Bourse atteinte.
Cathédrale atteinte. Curé de Saint Pierre tué.
Une vingtaine de morts.
Dans l’après-midi, les Allemands, dans le but d’économiser l’essence, prescrivent aux pompiers d’abandonner la lutte contre l’incendie du quartier Malakoff qui devient ensuite un gigantesque brasier.
Reçu circulaire préfectorale prescrivant :
1° institution d’une permanence dans tous les services les jours non ouvrables,
2° la suspension de tous les congés.
30 juin 1944
Monsieur Sauvage, Inspecteur des Cimetières, est avisé par Madame Dazy, interprète, que les autorités allemandes demandent à la Municipalité de se charger de l’inhumation de « vingt-sept francs-tireurs condamnés par le tribunal de guerre allemande ». Les cercueils contenant les corps sont déposés à la Bouvardière, route de Vannes.
D’accord avec Monsieur le Maire, il est convenu de procéder à cette inhumation au cimetière de la Chauvinière dans une tranchée nettement distincte des tombes des victimes des bombardements.
Je recommande à Monsieur Sauvage de prendre note soigneusement de tous les détails de l’opération et de tous les renseignements qu’il sera possible de réunir en vue de permettre ultérieurement l’identification des corps.
Il s’agit manifestement des vingt-sept jeunes gens faits prisonniers dans un camp du « maquis », près de Saffré, et dont l’exécution a été publiée ce matin dans la presse.
3 juillet 1944
Convocation de Monsieur le Maire chez le Feldkommandant à 10h30. En l’absence de Monsieur le Maire, j’accompagne Monsieur Pastol, sur sa demande.
Questions posées par Monsieur le Feldkommandant :
1. Quid de l’opinion à Nantes ?
Monsieur Pastol répond que la population est inquiète sans trop savoir pourquoi. Les bombardements semblent cependant sa principale préoccupation. En ce qui concerne l’exécution des « maquisards », Monsieur Pastol déclare qu’une partie de la population plaint les fusillés, alors qu’elle ne marque qu’une commisération relative pour les victimes des bombardements. Les habitants de Chantenay, par exemple, ne paraissent point s’impressionner des bombardements de Doulon.
2. Quid du ravitaillement ?
Monsieur Pastol déclare que, pour l’immédiat, la situation est bonne. La crise des transports facilite certains approvisionnements : Monsieur Pastol cite le cas de telle laiterie de la route de Vannes qui distribue plusieurs plaquettes de beurre à toute personne qui se présente pour un prix inférieur à la tasse.
3. Le Feldkommandant signale la présence à Nantes de nombreux Africains. Il désire avoir des renseignements à ce sujet.
4. Où en est le chiffre de la population ?
Monsieur Pastol croit que, de jour, il peut y avoir 75 000 habitants, mais qu’une partie quitte Nantes le soir. Il ne doit guère couché à Nantes, dit-il, plus de 45 à 50 000 personnes.
5. Le service des eaux sera-t-il reconstruit ?
Non. Monsieur Pastol indique que les camions citernes rendent encore quelques services, bien que le pompage en Loire avec les refouleurs alimentent la plupart des quartiers. Les parties hautes de la ville seules restent sans eau, mais une pompe relais va bientôt fonctionner pour refouler l’eau jusqu’au réservoir de la Contrie. Monsieur Pastol indique enfin qu’on vient de transporter de Givois à Nantes deux moteurs électriques dont l’un servira à doubler la station de pompage actuelle.
6. Quels desiderata pourrait avoir à exprimer la Municipalité ?
Ici le docteur Piotschek, conseil d’administration (service économique), rappelle que Monsieur le Maire lui a demandé si l’on pourrait ajouter un wagon à un train allemand pour transporter des vins aux travailleurs français en Allemagne. L’affaire suit son cours.
Monsieur Pastol signale qu’une unité allemande a fait murer en son milieu un abri souterrain creusé dans une carrière, quartier Zola ; cet abri, qui avait deux issues, se trouve ainsi divisé en deux abris à une issue, dont l’un est réservé aux Allemands. Cela a ému la population du quartier. Le Feldkommandant déclare qu’il va examiner cette question.
Au cours de l’entretien, le Feldkommandant demande si la kermesse de Nort-sur-Erdre s’est bien passée. Monsieur Pastol relate l’incident de la rafle. Quelle est l’autorité allemande qui a ordonné cette rafle ? demande le Feldkommandant. Je réponds : le service du travail. Les officiers échangent des sourires et le Feldkommandant déclare que cela ne l’étonne pas. Monsieur Pastol souligne combien cela a fait mauvais effet ; la Municipalité ayant présidé à l’organisation de la kermesse, a été accusée de complicité par la population. Monsieur Pastol indique que Monsieur Menny est au courant de l’affaire.
Après l’entretien, Messieurs Bessler et Piotschek nous retiennent pour nous demander de poser à Monsieur le Maire trois questions :
1. Peut-on trouver un système indépendant des réseaux électriques pour actionner les sirènes ?
2. Peut-on avancer d’une heure le soir l’heure d’utilisation du gaz (18h30 au lieu de 19h30) ?
3. La Municipalité, en cas d’option nécessaire, donne-t-elle sa préférence au gaz ou à l’électricité ?
A ce moment arrive Monsieur le Maire qui est introduit chez le Feldkommandant où il est l’objet du même interrogatoire que ci-dessus.
Au cours de cette dernière conversation, le docteur Piotschek a insisté sur le désir formel du Feldkommandant de ne recourir à la réquisition des bicyclettes des particuliers qu’en cas de nécessité urgente. Le bruit a couru que deux cents vélos auraient été réquisitionnés mais c’est inexact. Il s’agit de vélos neufs pris chez les fabricants. Je signale que le Central téléphonique m’a informé dernièrement que des vélos appartenant à ses agents ambulants avaient été réquisitionnés sur la route par des militaires allemands qui avaient remis aux intéressés des bons de réquisition. Le docteur Piotschek répond que cela est contraire aux ordres de la Feldkommandantur. « Cela, dit-il, a pu se produire à la campagne peut-être, mais sûrement pas en ville. »
8 juillet 1944
Des avions lancent des bombes sur différents points de la ville, notamment semble-t-il, contre des batteries de la DCA (?) (boulevard Saint Aignan, Contrie, Doulon, Boulevard Victor Hugo). Le pont de chemin de fer dit « de Pornic » est atteint. Les dégâts sont considérables surtout boulevard Saint Aignan, rue Marcel Schwob, rue Lemot, rue Jenner.
3 morts.
12 juillet 1944
Monsieur Sandras, Commissaire Central, me téléphone que la Feldkommandantur ordonne l’enlèvement des emblèmes de caractère national qui ont été posés sur les tombes des fusillés du maquis, au cimetière de la Chauvinière (ordre transmis par le cabinet du Préfet). Je prie Monsieur Sandras de confirmer ces instructions par écrit.
Bombardement vers 20h30 : chantier Dubigeon, gare de Pont Rousseau.
Mitraillages et bombes dans la quartier Saint Joseph - Trémissinière.
16 juillet 1944
Bombardement quartier Champ de Mars, Baco, Magellan, Bon-Secours.
50 morts environ dans l’abri du pont de la Belle Croix.
19 juillet 1944
Bombardement quartier Pirmil (rue Saint-Jacques, boulevard Victor Hugo)
24 juillet 1944
Réception d’un ordre de la Feldkommandantur prescrivant le camouflage du pont de Pirmil. Cette affaire est en réalité du ressort des Ponts et Chaussées.
A mon retour d’un congé de huit jours, j’apprends que Monsieur Menny (Propaganda) a eu connaissance de l’impression du « Livre Doré » et s’est élevé, au cours d’une visite à Monsieur le Maire, contre le fait qu’on ait laissé imprimer les passages concernant l’arrestation de Monsieur Pageot et la déclaration du conseil municipal félicitant Monsieur Rondeau de son attitude lors de l’assassinat du Colonel Hotz. Il a proposé de supprimer ces passages. Monsieur Orrion a préféré la confiscation du tirage. En conséquence, les trois cent cinq exemplaires reçus à la Mairie ont été déposés à la Feldgendarmerie au Château.
25 juillet 1944
Obsèques de plusieurs victimes inconnus du bombardement du pont de la Belle Croix.
A la suite de ces obsèques, le drapeau demeuré en berne depuis le 28 mai au Musée des Beaux-Arts a été enlevé conformément aux instructions écrites reçues la semaine dernière des autorités allemandes.
Ont été arrêtés la semaine dernière : Monsieur et Madame Veil, Monsieur Moinard (secrétaire général Saint-Nazaire), Monsieur Bailly (Chef d’arrondissement SNCF), Monsieur Nicolas (Ingénieur en chef des Ponts et chaussées), Monsieur Abel Durand.
Monsieur le Maire fait savoir que Monsieur Martin (groupe Collaboration) est venu lui demander de la part de la milice que la Municipalité baptise une rue de Nantes du nom de Philippe Henriot. Monsieur Orrion a répondu qu’il réfléchissait. Il en a référé depuis à Monsieur le Préfet.
27 juillet 1944
Visite de Madame Moinard, accompagnée de sa fille et de son fils. Elle se propose de faire faire une enquête sur l’arrestation de son mari, de prendre un avocat. Je le lui déconseille fortement, lui exprimant l’opinion que son mari n’a pu être arrêté par les autorités allemandes que par mesure de sécurité.
Nous descendons chez Monsieur le Maire qui confirme ce point de vue et conseille à Madame Moinard de voir directement la Gestapo.
L’après-midi, Madame Moinard revient pour nous apprendre que le Capitaine Heimann l’a reçue et lui a confirmé qu’il n’y avait aucun grief spécial contre Monsieur Moinard, qu’il s’agissait bien uniquement d’une mesure de sécurité, d’ordre général. Il a ajouté qu’il ne pouvait autoriser Madame Moinard à procurer des vivres à son mari, mais seulement des vêtements. Il a dit enfin que Monsieur Moinard ne resterait pas interné à Nantes.
28 juillet 1944
Vu, en l’absence de Monsieur le Maire, Monsieur Menny (Propanda-Staffel) qui me confirme son désir, exprimé à Monsieur le Maire, de faire ouvrir le cinéma des Variétés où il veut faire passer des films de propagande. Il s’est assuré d’un moteur à gazogène et fera le nécessaire pour l’approvisionnement du cinéma en films. Il croit que cela est conforme à l’intérêt de la population qui manque de distractions.
Je saisis cette occasion pour entretenir Monsieur Menny de la question du « Livre Doré ». Monsieur Menny me confirme que la note indiquant le motif de l’arrestation de Monsieur Pageot d’une part et la délibération louant Monsieur Rondeau de sa conduite vis-à-vis des familles des otages d’autre part ne doivent pas être imprimées, car ce serait entretenir des germes de haine vis-à-vis de l’Allemagne, alors que l’après-guerre devra au contraire être consacré à l’apaisement entre les deux populations. Il est prêt, soit à autoriser l’édition une fois supprimée les deux pages incriminées, soit à restituer le tirage si l’on accepte de supprimer les Municipalités Pageot-Prieur-Rondeau-Orrion, c’est à dire de s’arrêter à la Mairie Cassegrain.
31 juillet 1944
Samedi 29 juillet, Monsieur Ottaviani, Secrétaire Général de la Préfecture, a téléphoné à Monsieur Pastol, premier adjoint remplaçant Monsieur le Maire absent, pour demander que, « étant donné la carence totale des services officiels », la Mairie tâche d’assurer le transport à Nantes de farine se trouvant chez Monsieur Laraison, à Pornic.
Ce matin, deux camions de la ville sont partis à Pornic, tantôt deux camions les « Byrrh » s’y rendront.
Dans l’après-midi, on apprend qu’en raison d’une grève, Monsieur Laraison n’aurait pas de farine.
En réalité, les deux camions de la ville rapportent sept tonnes de farine au lieu des vingt-six prévues pour les quatre camions. Les camions de Byrrh ont été dirigés sur Machecoul, où il existait de la farine, et les vingt-six tonnes peuvent être amenées à Nantes.
Les queues à la porte des boulangeries, qui se produisaient depuis une semaine en raison de la difficulté de la soudure compliquée par la pénurie des transports, continuent.
19h30. Bombardement du pont de la Vendée qui est coupé en plusieurs endroits.
2 août 1944
16h30. Bombardement des quartiers avoisinant la Loire : maisons démolies rue de Vertais, abattoir écrasé, bombes en Loire à Magellan et Pirmil.
4 août 1944
Un employé français de la Feldkommandantur vient demander à Monsieur le Maire qu’on envoie toutes nos ambulances au Loquidy pour évacuer des malades.
Cet employé informe Monsieur le Maire que tous les services allemands se préparent à évacuer la ville, les Américains se trouvant à 40 kilomètres de Nantes.
Les gens discutent en groupes dans la ville très calme, où ne circulent plus que de rares soldats allemands.
15 heures. Rue de Rennes, place du Port Communeau, les Nantais font la haie, attendant l’arrivée des Américains.
5 août 1944
Les services allemands sont revenus en partie. Ils déclarent que les Américains qui se sont infiltrés en Bretagne sont maintenant coupés à Avranches et seront anéantis.
Ils commencent à débarrasser le tunnel du chemin de fer des munitions qui s’y trouvaient. On peut espérer qu’ils ne le feront pas sauter, comme c’était prévu.
Monsieur le Maire fait des démarches pour obtenir que l’on débarrasse de mines le quai où se trouvait la refouleuse, qui avait du être enlevée, d’où privation d’eau pour toute la ville. Cela est accordé.
Je vais à la Haye-Fouassière vers 15 heures, en reviens vers 17 heures. Tous les ponts sur la Loire sont minés. En outre des bombes d’avion non éclatées y sont déposées.
Vers le nord, on ne peut, paraît-il, sortir de Nantes que par des petits chemins.
6 août 1944
L’heure de police pour la circulation est avancée à 21 heures.
Communiqués par la voiture radio pour faire connaître à la population qu’il faut évacuer les alentours de Procé sur 50 mètres, et les régions entourant les fossés anti-chars sur 2 kilomètres de chaque côté.
Les bords de l’Erdre sont pleins de baigneurs et de promeneurs paisibles.
Conférence dans la cabinet de Monsieur le Maire avec Gringoire, qui craint qu’à partir de mercredi Nantes ne manque de pain. Lettre à Laraison à Pornic.
Monsieur le Maire a obtenu hier de la Kommandantur que des mines soient enlevées sur les quais pour permettre de remettre en service la refouleuse.
Dans la soirée, un ingénieur de la SNE (Société Nantaise d’Electricité) (Monsieur Caponi) déclare au Commissaire du 6ième Canton qu’un chauffeur de camion allemand l’a averti que le tunnel de la SNCF allait sauter cette nuit et qu’il serait bon d’alerter la population. Sous le couvert du commissaire central et sans plus ample informé, la police parcourt tout le quartier en enjoignant aux habitants d’évacuer d’urgence. Prévenu, Monsieur le Maire va trouver le Hafenkommandant, qui entre dans une grande colère, rappelant qu’il a promis à Monsieur la Maire de l’aviser au moins deux heures à l’avance si l’on faisait sauter des mines. La police allemande arrête un jeune homme de la Défense Passive qui s’était joint aux agents pour alerter la population. (Il est relâché dans la nuit.)
A grande peine, on parvient à rassurer les habitants et à leur faire réintégrer leurs domiciles.
Vers 22 heures, j’avais été voir Monsieur le Préfet, qui n’était au courant de rien, non plus que le Secrétaire Général et le Chef de Cabinet.
Devant Monsieur le Maire, Monsieur Sandras, Commissaire Central, déclare « qu’il s’est fié aux déclarations d’un notable » ! (alors qu’il s’agissait en réalité de propos tenus par un chauffeur de camion inconnu…).
7 août 1944
Le service d’eau par refouleuse est rétabli.
Je me rends vers 15h30 à la Propaganda, où Monsieur Menny me remet trois cent un exemplaires du « Livre Doré » en m’invitant à demander à Monsieur Marescad de lui faire parvenir tout de suite les pages qui doivent être supprimées (à partir de la Mairie Pageot).
9 août 1944
Monsieur le Feldkommandant convoque Monsieur le Préfet et Monsieur le Maire pour leur prescrire l’évacuation obligatoire des femmes, enfants, vieillards, habitant autour des fossés anti-chars ceinturant Nantes (2 kilomètres de chaque côté). Ces personnes seront dirigées sur la région au sud-ouest de Nantes de préférence.
Le bruit court que des éléments américains sont à Sautron et à Carquefou.
Le Préfet dit à Monsieur le Maire qu’Angers est aux mains des Américains.
Reçu hier la visite de Madame Abel Durand, qui a pu voir son mari à la gare d’Orléans vendredi soir, 4 août, avant son départ. Renseignements pris auprès du chef de gare. Le train a gagné Angers par Segré. Il a repartir d’Angers dimanche soir, 6 août en direction de Saumur.
16 heures. On apprend que les marins-pompiers font évacuer tout le quartier des chantiers et de la gare d’Etat, à l’ouest de la rue Louis Blanc et du boulevard Victor Hugo.
La Croix Rouge obtient des laissez-passer de la Kommandantur pour aller aux environs chercher du lait, dans les lignes américaines.
Cette nuit, les Allemands ont fait sauter des dépôts de munition à Château-Bougon.
Le service d’eau ne fonctionne plus, car la refouleuse a du être de nouveau enlevée, les mines des quais ayant été amorcées.
10 août 1944
Dans la nuit, les Allemands ont fait sauter le pont de la Jonnelière, le dépôt des pétroles Jupiter.
Un navire flambe dans le port.
Les mines des ponts sont amorcées.
16h25. La canonnade paraît se préciser vers le nord-ouest.
Monsieur le Maire apprend que le Préfet a donné congé à tout le personnel de la Préfecture, à l’exception de trois ou quatre chefs de service.
L’électricité manque depuis cette nuit.
11 août 1944
11h30. Le Commandant Barutand fait savoir que des officiers et soldats allemands sont à la caserne des pompiers, où ils déclarent avoir l’ordre du Général de s’emparer de tout le matériel d’incendie.
A 11 heures, le lieutenant Menny (Propaganda-Staffel) est venu prendre congé de Monsieur le Maire.
Une unité allemande cantonnée à Vertou a conservé deux auto-pompes et trois camionnettes. Après démarches à la Préfecture et auprès du Général, on obtient de récupérer les deux auto-pompes et une camionnette contre sept autres camionnettes.
Depuis 48 heures, les explosions se succèdent en ville presque sans interruption.
17 heures. M’étant rendu quai de la Fosse pour voir où en étaient les destructions dans le Port, je constate que les quais ne sont encore très endommagés coté Fosse.
A ce moment, une vedette sillonne le port. Les Allemands qui l’occupent posent des mines dans tous les bateaux encore à flot et les font sauter.
J’assiste ainsi à l’explosion du refouleur qui servait à l’alimentation provisoire des conduites d’eau et que le Hafenkommandant avait promis à Monsieur le Maire de respecter.
La radio de Londres annonce depuis hier ou avant-hier que les Américains sont entrés à Nantes.
12 août 1944
Durant toute la nuit, mines, explosions, canonnade et fusillade. Plusieurs incendies. Ce matin, on apprend que les ponts sur la Loire ont sauté. La ville semble vide d’Allemands.
9h30. Les FFI se présentent chez Monsieur le Maire et se mettent à la disposition de la Municipalité pour contribuer à la police et au ravitaillement.
10 heures. On hisse le drapeau français à la façade centrale de l’Hôtel de Ville. Le Maire, les Adjoints et les représentants des FFI et de la Défense Passive, les Secrétaires Généraux de la Mairie saluent les couleurs dans la Cour d’Honneur. Sur la rue, la foule (peu nombreuse). On entonne la Marseillaise.
11h20. Devant l’Hôtel de Ville, la foule brûle un drapeau à croix gammée.
A 10h40, le grand pavois a été hissé au portique de l’Hôtel de Ville.
11h30. Le drapeau français est hissé au portail de Rosmadec, en présence du Maire, des Adjoints, des Secrétaires Généraux, des formations de la Défense Passive, de la Croix Rouge et des équipes nationales.
A ce moment Monsieur Mabit, de la Croix Rouge, m’informe que les Allemands occupent encore la place Pirmil.
Le pont de Pirmil est coupé à sa culée nord. Le pont Haudaudine est coupé. On peut passer, sur des planches, pont de la Madeleine.
12h20. Les premiers Américains arrivent devant la Mairie (deux voitures). On hisse sur la façade de l’Hôtel de Ville, de chaque côté du drapeau français, les drapeaux anglais et américain.
Un lieutenant-colonel, fort gaillard à la mine jeune et bien américaine, demande qu’on lui indique sur un plan de Nantes la situation des ponts et l’emplacement des troupes allemandes. Il est introduit dans le cabinet du Maire. Monsieur Kerr lui fournit en anglais les renseignements demandés. Une équipe de la Défense Passive part avec les Américains dans le quartier des Ponts.
Vers 16 heures, rues de Rennes et Strasbourg, défilé de troupes motorisées américaines entre une double haie qui acclame.
Dans l’après-midi, deux filles, accusées d’avoir cédé aux instances de membres de l’armée allemande, sont traînées dans les rues de la ville. L’une était brune, l’autre était blonde, ainsi qu’en témoignent leurs chevelures promenée au sommet de la hampe d’un drapeau français. Le lamentable cortège a passé devant la Mairie et la Préfecture, suivi d’une foule trépignante. Une trentaine de femmes avaient subi un sort analogue.
13 août 1944
Journée calme. Promeneurs, baigneurs et canoteurs sur l’Erdre.
14 août 1944
Un officier américain s’occupe avec Monsieur Launay du rétablissement du pompage d’eau en Loire.
Prévenu le Commandement des FFI installé au corps d’armée qu’il y aura demain cérémonie au Monument aux Morts.
Prévenu aussi Monsieur Caillaud.
Légère canonnade américaine au petit jour. De la rive sud, légère riposte allemande.
Monsieur le Maire relate à ses collègues et à moi-même la visite qu’il a reçu d’une dame (professeur au Lycée de Lyon), déléguée du Comité d’Alger : cette personne venait lui annoncer que Monsieur le Préfet Gaudard n’était pas autorisé à présider la manifestation de demain au Monument aux Morts, ni même à y assister. La cérémonie serait présidée par le Commissaire de la République. Quant à Monsieur le Maire, on le priait d’y assister à titre privé. Monsieur Orrion a déclaré alors qu’il ne croyait pas possible de d’y rendre dans de telles conditions. La déléguée a insisté vivement. Elle a précisé que Monsieur Gaudard ne resterait pas Préfet ; qu’en ce qui concerne la délégation municipale, sa nomination par Vichy ne permettait pas de la maintenir, mais que toutefois il n’existait contre elle aucun grief, hors la question de principe. Monsieur Orrion a répondu qu’il se sentait la conscience nette : « J’ai agi en Français de mon côté, comme vous du vôtre, et je serai profondément blessé d’être expulsé de la Mairie comme un malpropre. » La déléguée a vivement protestée : « Nous savons, Monsieur le Maire, a-t-elle dit, car nous vous connaissons très bien au Comité d’Alger, que vous n’avez rien à vous reprocher et que vous avez toute la population derrière vous. La cérémonie de demain nous permettra de vous serrer la main en public et vous recevrez par la suite un témoignage officiel de notre estime. Mais il y a une loi qui nous oblige à rétablir les Municipalités en fonctions en 1939. Il ne nous manque qu’un Maire et nous le cherchons. »
L’entretien s’est terminé après que la déléguée eût insisté à nouveau pour que Monsieur Orrion assistât à titre privé à la cérémonie de demain, au cours de laquelle le drapeau serait hissé, non pas par les marins pompiers comme il était prévu, mais par les FFI.
15 août 1944
11h30. Les couleurs sont hissées (par un marin) au Monument aux Morts, devant une foule nombreuse. Monsieur le Maire s’est rendu au Monument avec plusieurs Adjoints, à la tête de la formation de la Défense Passive. Discours de Jean Marin.
Quatre officiers (un Américain, deux Anglais, un Canadien) se présentant à 20h30 à la Mairie, pendant que nous dînons dans le jardin, avec Monsieur et Madame Caillaud, le Colonel Mauris, Monsieur Théry. Ils demandent des logements. J’envoie un employé du Secrétariat à l’Hôtel de la Duchesse Anne. Le gérant prétend qu’une partie de la literie a disparu en même temps que les Allemands ou après et qu’il ne peut donner satisfaction.
En fin de compte, les officiers sont dirigés vers le Lycée.
Monsieur Tébreau, convoqué, a été invité à préparer d’urgence des logements pour le cas où la même question se poserait ces jours-ci.
17 août 1944
Hier soir une batterie allemande a tiré vers le Pont-du-Cens, faisant plusieurs victimes dans la population.
Ce matin le bruit court que des Allemands circulent dans certaines parties de la ville.
L’incursion d’Allemands dans l’île qui s’étend entre le bras de la Madeleine et de Pirmil se confirme.
A 11h40, Monsieur Ottaviani, Secrétaire Général de la Préfecture, m’informe que l’armée américaine a ordonné l’évacuation immédiate de l’île.
Vers 15 heures, je me rends au pont de la Madeleine et assiste au défilé de trois pelotons de maquisards qui vont faire une perquisition générale dans l’île. Un service détaché du service du logement fonctionne chaussée de la Madeleine pour le relogement des évacués.
Monsieur Riallaud, de l’Economat, de retour de l’imprimerie du Commerce, m’informe que l’accès de l’Imprimerie a été interdit à Monsieur Bentz sous peine d’arrestation.
19 heures. Alexandre Vincent qu’un FFI a été cherché à la Chapelle Basse Mer en passant la Loire à la Varenne, est présenté pour assurer les fonctions de Préfet.
18 août 1944
Tir américain vers la rive sud de Pirmil. Les canons allemands, ayant riposté, sont attaqués par avions en piqué.
Plusieurs civils ont été blessés par la canonnade allemande.
19 août 1944
En l’absence de Monsieur le Maire, Monsieur Sablé reçoit deux représentants du parti communiste qui demandent que le drapeau de l’URSS soit posé à la façade de la Mairie.
J’indique que nous ne possédons pas de drapeau de l’URSS.
Il est entendu que les délégués viendront voir Monsieur le Maire vers 11 heures.
12h15. Visite à Alexandre Vincent qui vient de prendre ce matin ses fonctions de Préfet.
Vincent me raconte comment il a ramené sa famille de la Chapelle Basse Mer, sous la protection des FFI. Il a vu son père à travers une haie, en passant à la Varenne, mais il ne s’est pas montré.
20 août 1944
Des incidents se sont produits hier au Château où avait été transférée la Défense Passive. Les équipiers ont cru voir un espion et ont perquisitionné dans tout le Château. Puis ils ont alertés les FFI qui ont à leur tour perquisitionné. La plupart des serrures ont été ainsi fracturées. Monsieur Gauthier, cependant, était tenu en joue.
Je l’accompagne ce matin auprès de Monsieur Bourse, Commandant Civil de la Place, qui vise un certificat signé de moi et attestant que Monsieur Gauthier est bien Conservateur du Château.
Puis nous allons rendre compte des incidents au Commandant de Charette, rue Gambetta, à l’ancien bureau de la Place. (Le Commandant de Charrette est Commandant militaire des FFI pour le département.)
Monsieur de Charette a tendance à croire à la réalité de l’espion allemand du Château…
21 août 1944
Fortes explosions sur la rive sud de la Loire. Il semble que les allemands fassent sauter dépôts et ouvrages.
Dans la soirée, bruit de mitrailleuses. Les Américains doivent, paraît-il, traverser la Loire cette nuit.
22 août 1944
Visite du Bureau de la Bourse du Travail. Monsieur Rolant, Secrétaire, expose que les chômeurs embauchés sur les chantiers ouverts par la Ville gagnaient de fortes sommes au service des Allemands. Ils continuent à toucher salaires complets pendant que leurs camarades restés dans l’industrie sont à la portion congrue. Je conseille intervention près du service du travail et de la Préfecture.
23 août 1944
Depuis le 17 août, tous les jours quelques tirs d’artillerie, de part et d’autre, assez espacés.
Cet après-midi des Américains ont occupé des cours dans le quartier Madeleine et ont franchi le pont de la Madeleine avec du matériel. L’artillerie allemande a tiré. Un soldat américain a été tué, plusieurs ont été blessés ainsi que de civils.
A 17 heures, lettre du Préfet annonçant la libération de Paris par les FFI et prescrivant de sonner les cloches.
18 heures. Les cloches sonnent pendant dix minutes.
24 août 1944
Déjeuné chez Vincent, à la Préfecture, avec Blanc.
De la Préfecture nous assistons, après déjeuner, à une attaque d’avions en piqué sur la rive sud (bombes et mitrailleuses).
25 août 1944
Dîner de la Délégation Spéciale à Rosmadec.
26 août 1944
Un avion volant très lentement et bas a été attaqué par la DCA allemande et a piqué verticalement (au-dessus de la ville, vers le nord-ouest).
29 août 1944
Le bruit se répand ce matin que les Allemands, qui ont évacué Le Pellerin dimanche, auraient évacué hier Trentemoult et Pont-Rousseau. Des personnes de Trentemoult, sans pain depuis dix jours, sont venues chercher du pain à Nantes ce matin.
Les indications en ce sens se multiplient. Les communes de la rive sud ont pavoisé aux couleurs nationales.
30 août 1944
Monsieur Haury, délégué de la Municipalité sur la rive sud, vient rendre compte à Monsieur le Maire de ce qu’il a fait depuis le 12 août.
Réunion d’adieux de la Municipalité au personnel municipal.
31 août 1944
Installation de la nouvelle Municipalité par Monsieur le Préfet Vincent, en présence de la Municipalité sortante (salle Guépin).
1er septembre 1944
Le quartier situé entre les deux bras de la Loire est de nouveau ouvert à l’habitation et à la libre circulation à la suite de démarches faites avec moi par Monsieur le Maire auprès des FFI, de l’armée américaine et de Vincent, Préfet.
2 septembre 1944
De nombreux bateaux traversent la Loire à Pirmil, transportant le public d’une rive à l’autre.
3 septembre 1944
Je me rends à la Haye-Fouassière où je n’étais pas allé depuis le 5 août.
6 septembre 1944
Réunion dans la cabinet de Monsieur le Préfet avec les autorités américaines chargées des affaires civiles.
Monsieur Vincent indique par ordre d’urgence les questions qui préoccupent le plus les pouvoirs publics français à Nantes :
1. Passage de la Loire. L’ armée américaine pourrait-elle aider ?
2. Approvisionnement en charbon.
Le Commandent américain conseille de saisir de ces deux questions –les mêmes partout, déclare-t-il– le Commissaire de la République d’Angers.
Parlant du retour des réfugiés, le Commandant insiste sur la nécessité de l’éviter le plus possible.
Monsieur Vincent indique combien la chose est difficile. Après échange de vues, le Commandant demande l’interdiction absolue de laisser entrer à Nantes des voitures ramenant du mobilier.
Après cette entrevue, Monsieur Vincent s’entretient avec Monsieur le Maire à qui il fait remarquer que la réouverture des écoles serait en contradiction avec le principe de non-retour des réfugiés. Il n’y a d’ailleurs, dit-il, aucun intérêt à faire revenir les enfants dans une ville dépourvue de moyens de chauffage et d’éclairage.
8 septembre 1944
Grande conférence à la Préfecture au sujet du chômage (collectivités, organisations patronales et ouvrières).
Actuellement, à Nantes, 2874 chômeurs, dont 863 femmes ; dans le département : 3500 chômeurs.
En réalité, 20 000 personnes ne travaillent pas normalement, beaucoup se trouvant sous le régime de la loi du 20 mai 1944.
Monsieur Vincent, préfet, ira le 11 à Angers où il présentera un projet d’aménagement des chemins ruraux dans tout le département. Il adjure les collectivités et les entreprises de mettre en œuvre d’urgence tous les travaux qui n’exigent pas de transports et de matériaux.
12 septembre 1944
Visite à Monsieur le Préfet. Monsieur le Maire expose la nécessité d’éviter l’envahissement des locaux privés par les autorités militaires françaises. Monsieur le Préfet prend note.
Monsieur Valet, Vice-Président du Syndicat des laitiers, que nous avons rencontré à la Préfecture, expose les tentatives faites par les cinq industriels laitiers de Nantes de monopoliser le commerce laitier en créant un nombre déterminé de dépôts à Nantes.
15 septembre 1944
Réunion salle G. Harouys.
Chambre de Commerce, comité de défense de la zone sud, Ingénieur en chef Gibert, Société d’Electricité, compagnie du Gaz.
1. Sur la question des ponts, Monsieur Gibert déclare :
a. que la charrière de Trentemoult sera prochainement doublée.
b. que la réparation du « pont de Pornic » est en cours et pourra être achevée sous un mois ou un mois et demi. En attendant, une passerelle provisoire élaborée sur le pont va permettre, à partir du lundi 18, le passage des voitures de deux tonnes et des piétons.
c. qu’une passerelle flottante à Pirmil sera en service demain ou lundi 18 (piétons).
d. qu’une passerelle sur pilotis pour poids lourds en aval de Pirmil sera mis en service d’ici deux ou trois mois.
e. que le système des passagers au pont Transbordeur va être accéléré.
f. qu’une réparation semi définitive permettra l’utilisation du pont Haudaudine d’ici deux ou trois mois.
g. qu’une passerelle sur le pont de la Madeleine qui sera construite d’ici huit jours, permettra le passage des visiteurs pendant les travaux de réparations du pont, qui dureront environ deux mois.
2. Sur la question du gaz, le représentant du gaz déclare que des canalisations ne pourront être posées que sur des ouvrages fixes.
3. Sur la question de l’électricité, le représentant de la Société déclare que l’arrivée de l’énergie hydraulique permet actuellement l’extension progressive de la distribution aux petits usagers et aux usagers prioritaires. Les besoins industriels ne seront satisfaits que quand on recevra de l’énergie des Pyrénées, c’est à dire la deuxième quinzaine d’octobre. Aucun espoir de recevoir du charbon avant de longs mois, le dégagement de Saint-Nazaire et du chenal étant une condition nécessaire.
4. Sur la question de l’eau, Monsieur Bourcy déclare que l’alimentation est partiellement assurée et va être étendue. On espère pouvoir distribuer de l’eau potable dans trois mois. En ce qui concerne le service d’incendie, on va étudier une répartition du matériel permettant de l’assurer.
18 septembre 1944
La passerelle du pont de Pornic et la passerelle flottante de Pirmil sont mises en service.
Réunion du Conseil municipal en séance privée pour entendre Monsieur de Rolland, Adjoint aux Travaux Publics, sur l’état des projets d’urbanisme.
Fin septembre 1944
Tous les usagers lumière sont à peu à près alimentés en électricité.